Le kératocône correspond à une déformation de la cornée (le revêtement transparent de l’iris et de la pupille de l’œil) qui s’amincit progressivement, perd sa forme arrondie et régulière et prend une forme de cône irrégulier. Cette maladie touche une personne sur mille en moyenne, mais on estime que la fréquence est plus élevée par défaut de dépistage. Elle peut être isolée ou associée à d’autre maladie.

Quels sont les symptômes ?

Cette déformation, survenant souvent vers la fin de l’adolescence, engendre des troubles de la vision (vue brouillée et déformée et mauvaise vision de loin) qui nécessitent le port de lentilles spécialisées. Le kératocône atteint généralement les deux yeux, mais pas avec la même sévérité. Dans les premiers stades, le kératocône entraîne une vision floue (sensation de brouillard) et déformée (astigmatisme). Cette baisse de l’acuité visuelle est surtout ressentie en vision de loin (myopie) et est souvent associée à une sensibilité excessive à la lumière (photophobie), à un éblouissement et à une irritation oculaire (yeux larmoyants). À mesure que le kératocône évolue, l’astigmatisme et la myopie s’accentuent. Comme la déformation de la cornée est irrégulière, la vision subit une grande distorsion. La vue est brouillée, comparable à ce qu’on voit derrière une vitre quand il pleut beaucoup. Les images peuvent même paraître dédoublées ou multiples.

Les personnes atteintes de kératocône doivent changer souvent de lunettes, car celles-ci deviennent vite impuissantes à corriger l’astigmatisme.

Dans les stades avancés, la cornée se déforme et s’amincit tellement que des cicatrices apparaissent et ces opacités rendant la vision d’autant plus trouble.

Qui peut en être atteint ?

Le kératocône touche indifféremment les personnes des deux sexes, quelle que soit leur origine géographique. Le kératocône est habituellement découvert à la puberté (entre 10 et 20 ans), mais il peut survenir à tout âge (82 % des cas débutent toutefois avant 40 ans).

Quelle est la cause?

La cornée est la lentille transparente à travers laquelle on perçoit l’iris coloré et la pupille noire centrale. Normalement, la cornée a une forme arrondie régulière. Chez les personnes ayant un kératocône, le centre de la cornée s’amincit et forme une protubérance conique et irrégulière qui perturbe la vision. On ne connaît pas encore les causes exactes du kératocône, mais il s’agit probablement d’une maladie génétique : même si aucun gène spécifique n’a été identifié, le fait que plusieurs membres d’une même famille puissent être atteints et que la maladie se développe presque systématiquement dans les deux yeux appuie la thèse d’une implication génétique. Une recherche est actuellement en cours pour identifier le ou les éventuel(s) gènes.

En plus de la susceptibilité génétique, des facteurs environnementaux sont nécessaires à l’apparition des symptômes cliniques de la maladie. Les contraintes mécaniques (comme le fait de se frotter les yeux ou encore le port de lentilles de contact) pourraient par exemple contribuer à déclencher la maladie. Comme le kératocône apparaît après la puberté, des hormones pourraient aussi être en cause.

En outre, il se trouve que beaucoup de patients souffrant de kératocône ont une prédisposition aux allergies, et développent souvent un eczéma et/ou une conjonctivite allergique.

Il semble donc qu’il existe un lien entre allergie et kératocône dont les mécanismes ne sont pas clairement établis. Par ailleurs, le kératocône survient souvent chez des personnes ayant une autre maladie, génétique ou ophtalmologique, comme par exemple le syndrome de Marfan, la trisomie 21, la rétinite pigmentaire ou l’amaurose congénitale de Leber (maladie familiale grave des yeux). Ainsi, 5 à 6 % des personnes trisomiques présentent un kératocône. On ne sait pas si ces maladies ont des caractéristiques génétiques favorisant la du kératocône, ou si elles

Quelle est son évolution ?

Le kératocône, souvent découvert à la puberté, évolue généralement jusqu’à l’âge de 30-40 ans avant de se stabiliser. L’évolution est irrégulière, certains kératocônes restant stables pendant quelques années, d’autres s’aggravant puis se stabilisant à nouveau. Les kératocônes peuvent arrêter de progresser à n’importe quel stade. Les stades d’évolution peuvent être classés selon différents critères, mais on distingue souvent :

  • Stade I : inconfort visuel, baisse d’acuité visuelle avec astigmatisme
  • Stade II : la myopie s’associe à l’astigmatisme
  • Stade III : aggravation des troubles visuels et apparition d’une déformation (protubérance) bien visible de la cornée
  • Stade IV : amincissement associé à une perte de transparence (cicatrices ou opacités au sommet du cône) et risque de kératocône aigu.

Dans de rares cas (moins de 3 %), une complication particulière, le kératocône aigu (hydrops), peut survenir. L’amincissement de la cornée est tel que la membrane transparente et élastique qui recouvre la surface interne de la cornée (endothélium) se perfore. Cette rupture provoque une perte brutale de l’acuité visuelle en opacifi ant la cornée (tache blanche visible correspondant à d’importantes cicatrices cornéennes). Un traitement visant à faire baisser la pression du liquide à l’intérieur de l’oeil et à réduire l’inflammation peut être envisagé, mais seule une greffe de cornée peut permettre de restaurer la vue après un kératocône aigu

Existe-t-il un traitement pour cette pathologie ?

Il n’existe pas de traitement permettant d’empêcher le développement du kératocône, mais il y a plusieurs moyens de maintenir une vision correcte et d’améliorer ainsi le confort des personnes atteintes.

Initialement (au stade I), les lunettes peuvent corriger l’astigmatisme et la myopie mais elles deviennent vite insuffisantes. De plus, elles sont souvent mal supportées, entraînant un inconfort qui force le malade à les retirer fréquemment. Dès que la maladie progresse, des lentilles de contact rigides spécialisées seront nécessaires pour donner une correction optimale (stades II et III).

Il existe aujourd’hui de plus en plus d’options de lentilles de contact pour kératocône.

Les lentilles de contact cornéennes rigides restent l’option de choix. Comme elles sont perméables au gaz, elles assurent une bonne oxygénation de la cornée. Les larmes qui se forment entre la lentille et la cornée aplanissent les irrégularités de la cornée et permettent d’obtenir une vision claire.
Une combinaison de lentilles, le « piggy-back », consiste à adapter une lentille souple (lentille « porteuse », plus confortable) à laquelle on superpose une lentille rigide (lentille de correction). Cette technique est surtout utilisée sur des cornées délicates et sensibles aux poussières, pour lesquelles le port de lentilles rigides est peu confortable.

Les lentilles hybrides ou composites sont des lentilles de contact avec un noyau central rigide et une périphérie souple, qui allient qualité optique de la lentille rigide et confort de la souple..

Les lentilles sclérales sont des lentilles de contact de grand diamètre, qui ne reposent pas sur la cornée mais sur le « blanc » de l’œil.

Les lentilles souples, parce qu’elles épousent la forme de la cornée et suivent donc sa déformation, sont rarement utilisées par les patients atteints de kératocône sévère.

Le spécialiste (ophtalmologiste-contactologue) décidera du type et du matériaux de lentilles de contact le mieux adapté à chaque personne, souvent après plusieurs essais et adaptations. Les lentilles pour kératocône sont en effet des pièces uniques, réalisées sur mesure, qui doivent être régulièrement adaptées pour suivre l’évolution de la maladie. Au début, plusieurs séances d’essai sont nécessaires, il faut savoir que les lentilles ne deviennent confortables qu’après dix jours à trois semaines de port, une gêne sous la paupière et un larmoiement étant normaux au début.

Enfin, chez une minorité de patients, il arrive qu’une bonne vision ne soit plus possible même avec des lentilles de contact (stade IV), dans ces cas (environ 10 % des personnes atteintes), seule une transplantation (greffe) de cornée peut restaurer une vision acceptable.

La greffe de cornée (ou kératoplastie) consiste à remplacer la cornée malade par une cornée saine prélevée sur un donneur décédé.

La greffe cornéenne permet de rétablir la vision mais ne supprime généralement pas le besoin de correction (lunettes ou lentilles).

Les résultats visuels sont supérieurs à 5/10 mais avec correction dans 75 % des cas. Cette intervention entraîne généralement peu de complications et pas de rejet du greffon, mais ce n’est pas non plus une opération dénuée de risque. De plus, il arrive qu’une seconde greffe soit nécessaire au bout de plusieurs années, le kératocône pouvant récidiver en moyenne au bout de 17 ans en se développant sur la cornée greffée. Cette seconde greffe constitue évidemment un risque supplémentaire. La greffe n’est donc en aucun cas une alternative au port de lentilles. Par ailleurs, les ressources en greffons sont insuffisantes et le délai entre l’inscription du malade sur la liste d’attente et la greffe peut être important.

Quelles seront les conséquences du traitement pour la vie quotidienne ?

Mis à part un entretien rigoureux des lentilles, il n’y a pas de conséquences particulières pour la vie quotidienne. Par ailleurs, il ne faut jamais laver ses lentilles sous l’eau du robinet, ni se baigner avec (que ce soit à la piscine, à la mer, dans la douche ou le bain).

Il n’y a pas de recommandation particulière, si ce n’est éviter autant que possible de se toucher les yeux, le frottement aggravant le kératocône.

Le kératocône est une contre-indication absolue pour la chirurgie réfractive (correction par laser du défaut visuel), car l’opération aggrave considérablement le kératocône, même si celui-ci est très minime et n’avait pas été détecté auparavant.

Par qui se faire suivre ?

Les personnes atteintes de kératocône doivent être suivies par des opthalmologistes . La maladie peut évoluer assez vite, entraînant des variations de vision permanente. Les lunettes, comme les lentilles, doivent être réajustées fréquemment pour s’adapter aux changements de forme de la cornée.
Les patients portant des lentilles de contact sont encore plus tenus que les autres de consulter régulièrement leur spécialiste, afin de vérifier que l’adaptation reste satisfaisante et que la cornée n’est pas abîmée (les ulcérations pouvant passer inaperçues au début)

Quelles sont les conséquences de la maladie sur la vie familiale, professionnelle, sociale, scolaire, sportive ?

D’un point de vue médical, le kératocône n’est plus une maladie qui rend aveugle et les différentes mesures permettant d’améliorer l’acuité visuelle permettent de mener une vie tout à fait normale.

Cependant, la baisse de vision peut être handicapante, et elle survient à un âge précoce, dans des années où les exigences visuelles sont très élevées (ordinateur, TV, conduite de nuit, lecture au tableau). Ce handicap visuel, nécessitant un port de lentilles à vie, est d’autant plus difficile à accepter que les personnes sont jeunes et la plupart du temps en bonne santé. De plus, le kératocône est sur la liste des contre-indications empêchant d’exercer certains métiers, ou de pratiquer certaines activités sportives.

Les différentes options thérapeutiques et le fait que le kératocône ait tendance à se stabiliser vers 40-50 ans doivent toutefois permettre de rassurer le malade.